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Critique d'album

The Rolling Stones


Let It Bleed


(05/12/1969 - Decca - - Genre : Rock)
Produit par

1- Gimme Shelter / 2- Love in Vain / 3- Country Honk / 4- Live With Me / 5- Let It Bleed / 6- Midnight Rambler / 7- You Got the Silver / 8- Monkey Man / 9- You Can't Always Get What You Want
Note de 5/5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"Tout ce qui ne tue pas rend...invincible"
Guillaume , le 21/09/2023
( mots)

Début juin 1969, Jagger et Richards tuent le père, congédiant Brian Jones de son propre groupe. Ils accueillent avec flegme la disparition "programmée" de l’ange blond un mois plus tard, lui organisent un concert d’adieu à Hyde Park (qui initialement devait être le concert de bienvenu de Mick Taylor), Mick récite un poème de Shelley ponctué par un lâcher de papillons blancs à moitié morts sur une foule en plein recueillement. Leur dû payé à leur ancien comparse, les Rolling Stones tournent la page en compagnie du nouveau venu Mick Taylor. Jeune guitariste surdoué poli par le vétéran des circuits Blues londoniens John Mayall, Taylor va métamorphoser durablement la musique des Stones. Bien que son apport soit minime sur Let it Bleed (on peut l’entendre sur "Country Honk" et "Live with me"), son feeling blues invraisemblable - écouter son solo de "Love in Vain" très très fort sur Get Yer Ya-Ya’s Out et mourir - explose au grand jour sur Sticky Fingers.


Les Stones avaient bien besoin de sang frais dans cette période qui en ingurgitait tant : celui de milliers de personnes dans l’enfer de la Guerre du Vietnam, celui de Sharon Tate dont Manson et sa "Family" se servirent pour taguer des prophéties de fin des temps… et  celui de Meredith Hunter, assassiné par un Hell Angel boosté aux amphètes pendant le grand raout apocalyptique d’Altamont. 


C’est donc en fossoyeur des idéaux hippies, de l’innocence sixties que les Stones se présentent lors de l’intronisation de Let It Bleed en décembre 69. Sur ces entrefaites, Richards a la bonne idée de composer le titre le plus intense du corpus stonien, le bien nommé "Gimme Shelter". Fruit de situations angoissantes vécues par Richards (vision d’un terrible orage s’abattant sur Londres et sa girlfriend Anita Pallenberg en train de folâtrer avec Jagger sur le plateau du sulfureux Performance), ce titre définit une nouvelle donne dans l’horizon du guitariste puisqu’il utilise désormais son fameux open tuning, qui va définir jusqu'à nos jours - pour le meilleur et le pire - le son Stones. Le Keith Richards millésimé 1969 impose son style unique, viscéral, tirant le meilleur de ses talents limités ,à l’aide cette touche à la fois mystérieuse et magique ("Gimme Shelter" ne propose que trois accords !). Jagger n’est pas en reste de son côté. Son écriture flamboyante et ses images évocatrices franchissent un nouveau palier dans l’écriture Rock. Son chant de petite gouape teigneuse atteint lui aussi sa pleine maturité. Mais pour "Gimme Shelter", La soulsister Merry Clayton est appelée en renfort pour tempêter les refrains surhumains. La jeune femme débarque au studio en pleine nuit, enceinte jusqu’aux yeux et bigoudis dans les cheveux ! Elle a beau ne pas connaître les Rolling Stones (???), cela ne l'empêche pas de souffler l'assistance par sa prestation volcanique.


Le quintet plonge dans ses influences delta blues afin d’en exhumer "Love In Vain" de feu Robert Johnson. Le jeu subtil de Hummingbird de Richards s’épaissit de tonalités country, imputable à sa récente rencontre avec Gram Parsons, et Jagger y sanglote une histoire d’amour non partagée à fendre l'âme. Ry Cooder assure une splendide partie de mandoline bluegrass (qui accusera par la suite les Stones d’avoir volé ses idées). Le groupe continue de braconner en territoire country avec la sympathique bluette "Country Honk" - écrite à l’origine comme un hommage à Hank Williams - relecture acoustique du foudroyant "Honky Tonk Women". Les mauvaises langues regrettent la présence de ce titre aux dépens de sa version country. Mais comment intégrer un tube pareil dans une collection de titres aussi homogène ? L’équilibre de l’ensemble et la science sous-estimée du tracklisting du groupe s’en verraient indéniablement bouleversés. Jagger sort ses plus belles formules toxico-trash sur le fiévreux "Let It Bleed" ("And there will always be a space in my parking lot, When you need a little coke and sympathy" "Et il y aura toujours une place dans ma place de parking, quand tu auras besoin d'un peu de coke et de sympathie"). Au diapason de la slide foutraque de Keith Richards, le piano bastringue d’Ian Stewart échafaude un parfait canevas boogie pour les éructations obscènes du frontman. Plus loin, Keith se prend pour Dylan sur le magnifique "You Got The Silver". Il s’agit du premier titre chanté entièrement par Richards qui dévoile des qualités insoupçonnées d'interprète sur cette ode dédiée à sa bien aimée. La version originale était exécutée par Jagger mais par un heureux hasard, l’ingé son a effacé la voix du vocaliste habituel. Ce dernier parti en Australie pour le tournage de Ned Kelly, c’est Keith qui s’y colle avec une production impressionniste du meilleur effet.


Tout grand album des Rolling Stones fait la part belle aux guitares acoustiques, qui constituent une composante fondamentale du mur de son stonien. Héritage du Chicago Blues tant révéré. Mais les Stones ne seraient pas les Stones sans leurs déflagrantes charges électriques. "Live with me" sera un cheval de bataille scénique dévastateur. Lancé sur les rails par une intro de folie (une des meilleures de leur répertoire), le morceau dérape dans une orgie sudiste frénétique où - grande nouveauté - le saxo de Bobby Keys torche un solo survolté. Cette fin de décennie faisait flipper tout le monde. Et pour ne rien arranger, une myriade de serial killers sortaient du bois pour boire le sang innocent de la jeunesse  américaine. Les Glimmer Twins s’emparent de ce sujet en or massif pour réaliser un de leur titre le plus effrayant ("Midnight Rambler"). Richards tronçonne un riff d’exception avec un son poisseux, caverneux à faire froid dans le dos et Jagger, au moment de l’insoutenable climax, joue son rôle à la perfection sur scène : à quatre pattes, lumière tamisée, dans un murmure d’excitation, il dévoile être “Le rôdeur de minuit”. Une grand-messe diabolique. Le frontman adore se faire passer pour le Diable en personne. Il en joue, grossit le trait à dessein afin de choquer le bon goût bourgeois (l’essence même du rock) et moquer notre société déliquescente. Jagger décide donc d'incarner le monstre que les autres voient en lui. C’est en homme-singe (on peut y voir une allégorie du Diable puisque ce dernier est le singe de Dieu) qu’il défenestre une performance simiesque qu'il conclut en piaillant de sarcasme à l'égard de ses détracteurs ("Monkey Man"). Tiré des séances de Beggars Banquet, ce funk éléphantesque joue dans la même cour que celle des Meters. Quoi de mieux pour terminer ce disque d’anthologie qu’une grande chanson avec chorale, cor d’harmonie et tout le tremblement ("You Can’t Always Get What You Want") ? Ce titre est en quelque sorte instantané idéal de la décade sur le point de s’achever. Un mélange d’illusions perdues et d’espoirs naissants qui fait de Jagger un chroniqueur sociétal d’une grande justesse, plus subtil qu’on pourrait le penser. Ce tapis d’arrangements luxuriants, de percussions et la sincérité du chant de Jagger émeuvent comme rarement, nous réconfortent pour nous assurer qu’on peut quelquefois obtenir ce que l’on veut.

Commentaires
Arbitre, le 27/09/2020 à 22:24
Un album que j'estime aussi bon que le précédent, Beggar's banquet. J'ai notamment beaucoup aimé "Love in vain" et "You got the silver" (avec Richards au chant), mais surtout "Live with me" et plus encore "Monkey man" (l'intro est excellente, et le reste est du bon Rock bien stonien). L'album aurait été encore meilleur s'ils avaient mis "Honky tonk women" à la place de sa version country. L'intro de "Gimme shelter" est mythique. A découvrir sans hésitation, si ce n'est pas déjà fait.