
Steven Wilson
The Overview
Produit par Steven Wilson
1- Objects outlive us / 2- The Overview


Vous avez noté que nous ne nous sommes pas précipités pour chroniquer ce dernier Steven Wilson. Non pas qu’il soit mauvais, non pas que nous dénigrerions à l’intéressé une influence, une importance qu’il ne mériterait pas… ou disons que si certaines voix s’élèvent depuis peu à la rédaction d’Albumrock pour tirer ouvertement sur le chantre du rock progressif moderne, tous ici ne partagent pas une telle animosité. Toujours est-il que dans l’hypothèse où SW souhaiterait faire taire les critiques qui prolifèrent depuis quelques années à son encontre dans les sphères progressives, eut égard à certaines productions discographiques récentes loin d’être inattaquables, on va dire que The Overview ne constitue certainement pas la réponse la plus adéquate qui soit…
Pourtant certains écueils de ses récents (mé)faits ont ici été évités : point de recherche d’accessibilité à ton crin, point de volonté de flatter ses ouailles ou de leur mâcher le travail, The Overview renoue avec l’idée même du concept album et du rock progressif dans ce qu’il a de plus extrême. L’”overview effect” n’est autre que le changement cognitif qui s’opère dès lors que l’on observe la Terre depuis l’espace, idée tout de même farfelue (quoique pas plus débile que les marottes watersiennes) qui sert de lien à tout le disque au sein de deux morceaux longs chacun d’une vingtaine de minutes. Plus prog tu meurs, pourrait-on dire, à tout le moins d’un point de vue floydien, et ça tombe bien vu que pour la première fois depuis bien longtemps Wilson semble vouloir revenir à ses premières amours, celles qui ont fait les beaux jours de ses débuts en tant que Porcupine Tree avec des disques comme Voyage 34 et surtout The Sky Moves Sideways, réinterprétant la matrice glimouro-wrightinenne à l’aune de l’époque moderne - avec ici quelques saillies électroniques (le plutôt pas mal segment “Perspective” de “The Overview” en dépit de spoken words qui commencent à se faire un peu trop envahissants depuis le précédent The Harmony Codex). Jusqu’ici, le cahier des charges semble tenir la route, peut-être un peu trop, d’ailleurs. Premier écueil : The Overview est sans doute le premier disque de Wilson sur lequel il ne s’aventure pas hors de ses sentiers battus. Nous sommes ici en terrain connu voire archiconnu, entre psychédélisme planant radieux et plongées suffocantes dans de sombres abysses, et si les nouveaux venus pourront sans doute se pâmer devant certains tics de composition aussi singuliers que reconnaissables pour qui connait bien le lascar, les vieux briscards pourront eux s’étonner d’un air de déjà vu assez déconcertant pour qui s’est déjà gargarisé de la roborative discographie de l’arbre à porc-épic.
Plus gênant, et c’est le second écueil, The Overview ne transcende jamais, jamais, ses grands frères. Certes, on ne peut nier qu’il y a dans cet album des passages marquants, au premier rang desquels la passionnante digression instrumentale de “Objects Outlive Us” (intitulée “Cosmic Sons of Trails”), mais aussi quelques belles envolées pop dont SW a le secret (“Meanwhile” sur le même “Objects Outlive Us, ou “A Beautiful Infinity” sur “The Overview”). Mais rien qui ne nous stupéfie quand on a l’habitude du bonhomme. On préférera réécouter The Raven That Refused To Sing ou Grace For Drowning pour se régaler d’instrumentaux autrement plus impressionnants (tant techniquement qu’émotionnellement), mais aussi Lightbulb Sun ou Stupid Dream de Porcupine Tree pour se remettre à l’oreille des tubes ciselés avec autrement plus de talent, osons même dire de génie (n’en déplaise aux plus chagrins). Entendons-nous bien : il n’y a ici rien de raté, ni même rien de mauvais - quoique franchement, cette conclusion vangelissienne sous Valium de “The Overview”, “Permanence”, c’est a minima aussi nul, nul, nul qu’inutile après la belle envolée finale de “Infinity Measured in Moments”. Il n’y a en revanche aucune matière nouvelle ni transcendante au regard de l’impressionnant curriculum vitae de Wilson, et si l’on pouvait s’agacer des errements mainstream maladroits de The Future Bites, au moins tentait-il d’explorer, ou disons de travailler un segment musical qu’il ne maîtrisait pas. Ici tout est maîtrisé, léché, chiadé, mais sans vision, sans allant, sans mordant. La critique semble s’être émue de The Overview en gratifiant le binoclard à mèche de ses plus belles flatteries depuis fort longtemps : aurait-elle donc la mémoire courte ? La nôtre demeure intacte, en tout cas, nous poussant à ne plus trop insister sur ce disque qui sera très vraisemblablement réévalué à la baisse dans les années à venir. Next - et ce peut être une future production wilsonnienne, d’ailleurs. Sans rancune, dude.
A écouter : en diagonale et en musique de fond


