
Anathema
Weather Systems
Produit par
1- Untouchable, Part 1 / 2- Untouchable, Part 2 / 3- The Gathering of the Clouds / 4- Lightning Song / 5- Sunlight / 6- The Storm Before the Calm / 7- The Beginning and the End / 8- The Lost Child / 9- Internal Landscapes


Vous  l’avez peut-être déjà noté, vous qui lisez régulièrement nos critiques :  dans de rares cas, la note initialement donnée à un album peut varier  dans le temps. Oh, pas grand chose, un demi-point au maximum, comme une  sorte de réévaluation à froid de la qualité d’un disque quelques  semaines à quelques mois après en avoir écrit la chronique, un petit  réajustement qui tient du détail mais qui permet d’affiner un choix  peut-être un poil trop enflammé ou trop timoré à l’origine. C’était le  cas de We’re Here Beacuse We’re Here, le magnifique huitième album  d’Anathema, noté tout d’abord à 4,5 guitares et redescendu a posteriori à  4. La raison de cette baisse ? Si le net virage pris à l’époque vers un  rock progressif doux et lumineux avait positivement marqué les esprits,  on sentait qu’à ce stade de sa carrière, la double fratrie Cavannagh -  Douglas était capable de magnifier cet essai. Pari gagné, car Weather  Systems parvient à placer la barre encore un peu plus haut.
Il  a fallu pour cela que le quintette pousse sa réflexion jusqu’à son  paroxysme en réduisant au strict minimum la quasi-totalité des  guitares électriques lourdes, un parti pris assez étonnant pour un  groupe qui a commencé sa carrière en ferraillant entre doom et death  metal. Weather Systems est ainsi essentiellement dominé par les guitares acoustiques et  les pianos qui distillent leur force impavide au gré d’arpèges aériens  enchanteurs, tandis que violons et violoncelles se taillent la part du  lion et émaillent les compositions d’une tonalité flatteuse et raffinée.  Le choix de ces arrangements est probablement lié au départ de Les  Smith qui a laissé les claviers d’Anathema vacants : un mal pour un  bien, à moins que les frères Cavannagh ne lui aient finalement pas  laissé le choix. Dans ce bouillonnement à haute teneur acoustique - car oui, on peut  aussi créer une musique imposante indépendamment de l’apport de la fée électricité - seul  “The Storm Before The Calm” ose le tout-électro, projetant l’auditeur au  sein d’une troublante tempête magnétique débouchant sur des nuées  placides olympiennes. Pure Reason Revolution, de son vivant, n’aurait  pas fait mieux. Partout ailleurs, et si on excepte quelques coups de  tonnerre majestueux, Anathema crée la magnificence en toute simplicité.
Bien  sûr, on retiendra immédiatement les grandes pièces entraînées par leurs  arpèges à haute vélocité ("Untouchable, Part 1", "The Gathering of the  Clouds", tous deux absolument brillants), bien sûr on se pâmera devant  le superbe "The Beginning and the End" dont la progression instrumentale  ascendante confine à l’évidence, mais, et c’est là que l’on tutoie un  niveau de qualité rarement atteint, c’est encore lorsque l’ambiance se  fait apaisée qu’Anathema impressionne le plus. On le redit peut-être  trop souvent, mais ce groupe fonctionne avant tout à l’émotion et dégage  immanquablement, au sein de sa musique, un puissant spleen tour à tour  désespéré, nostalgique et optimiste. Or, rarement la fratrie Cavannagh  n’est parvenue à atteindre un tel niveau de force émotionnelle que sur  l’ensemble de ce Weather Systems. Dans ce registre, "Untouchable, Part  2", probablement le morceau le plus simple du disque, subjugue  littéralement par la qualité irrésistible de son traitement vocal au  sein d’un dialogue masculin-féminin entre deux êtres amoureux séparés à  tout jamais. L’implication de Vincent Cavannagh ne s’est  jamais faite aussi intense qu’ici et se trouve parfaitement relayée par  une Lee Douglas désormais complètement intégrée au sein du groupe. La  chanteuse se voit même offrir de nombreux lead vocals, comme sur  "Lightning Song" dont les longues notes tenues et apaisées confèrent au  titre un aspect presque surnaturel. Mais Dany n’est pas en reste et  irradie de sérénité sur le sculptural "Sunlight", aidé par les choeurs  angéliques de ses deux collègues, équarrissant le moule stadium-rock  pour le propulser au firmament. Ailleurs, les deux frères se fondent en  une osmose troublante ("The Lost Child" et ses secondes voix  désespérées)
Tout,  dans Weather Systems, respire la sérénité et l’amour des belles  finitions. Anathema, plus que jamais, joue avec nos émotions, transforme  les silences en apnées insoutenables, ose les digressions orchestrales  étirées, cristallise les sons en de précieuses pièces d’orfèvrerie,  propose un artwork fascinant, et se permet même le luxe de conclure sur  une formidable note d’espoir par le biais du sample d’un long témoignage  relatant une expérience de mort imminente, propulsant le chant des  amants séparés vers les hautes sphères célestes ("Internal Landscapes").  Inutile de dire que, à l’écoute d’un tel album, on éprouve les pires  difficultés à redescendre sur terre. Le pari prog atmosphérique des  clans Cavannagh - Douglas s’est donc révélé payant et trouve en Weather  Systems sa plus belle concrétisation : une occasion rêvée pour le grand  public de découvrir ce groupe dont le succès reste pour le moment  cantonné aux amateurs éclairés de la scène Doom anglaise. Un comble...























