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Critique d'album

The Who


The Who by Numbers


(03/10/1975 - MCA - British rock - Genre : Rock)
Produit par Chris Charlesworth, Bill Curbishley, Glyn Johns, Robert Rosenberg

1- Slip Kid / 2- However Much I Booze / 3- Squeeze Box / 4- Dreaming From the Waist / 5- Imagine a Man / 6- Success Story / 7- They Are All in Love / 8- Blue, Red and Grey / 9- How Many Friends / 10- In a Hand or a Face
Note de 4/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"On peut calculer le nombre de fruits dans un arbre mais jamais le nombre d’arbres dans un fruit..."
Daniel, le 24/05/2025
( mots)

Marre de tout …

En 1975, The Who (le deuxième plus bête nom du rock après The The) est un groupe moribond. Épuisés par onze années de tournées, de succès et d’excès rock, les quatre hommes éprouvent de plus ne plus de peine à se supporter les uns les autres.

Peter Dennis Blanford Townshend (dit Pete), le principal moteur créatif du quatuor ne digère pas la perspective de son trentième anniversaire. Lui qui avait écrit (en toute honnêteté) "Je veux mourir avant de vieillir" se pose des questions sur sa légitimité en tant que rocker. En tant qu’homme. Et en tant qu’artiste.

Le monde culturel n’a pas vraiment adoubé Quadrophenia (1973), son impossible opéra rock ampoulé (1). Et le guitariste voltigeur en a conçu une amertume certaine. Cette amertume va être le ferment de ses compositions ultérieures.

Lassé des querelles (principalement avec Roger Daltrey) et épuisé par les stupidités imprévisibles de Keith Moon (de plus en plus souvent incapable de jouer sur scène), il se lance dans une aventure en solo.

Aux antipodes de ses récents délires opératiques, il entend épancher son amertume et sa lassitude dans des compositions plus dépouillées, plus "adultes" et plus "profondes" (ou plus "intériorisées") qui illustrent ses obscurs états d’âme. Il profite de l’occasion pour recycler également quelques vieilles démos de son projet avorté Lifehouse (2).

Loin des ors et des fastes des précédentes "œuvres conceptuelles", le projet devait être "simplement rock" : guitare, basse, batterie, chant et une touche de piano.

And that’s all, folks !

Mais, sous la pression du management, et après de nombreuses hésitations et volte-faces, il est finalement décidé, au nom de cette "camaraderie" de façade qu’affectionnent les Britanniques (et le music business), de poursuivre l’aventure à quatre.

Le projet bricolo-solo de Pete Townshend sera enregistré par The Who…

Keith Entwistle qui, pour tuer le temps, s’était lancé dans une bande dessinée en ambitionnant de réaliser une biographie du groupe, propose un croquis assez idiot pour illustrer le nouvel opus (3). Ainsi naîtra By Numbers, présenté sous une des pochettes les plus horribles des seventies (qui ont pourtant connu leur lot d’abominations artistiques).

Quand le sort s’acharne...

L’aventure By Numbers va encore relever du malentendu, comme beaucoup d’épisodes de la vie de Pete Townshend. C’est en effet une stupide pantalonnade qui va être extraite de l’album pour en devenir l’unique single.

A l’origine, "Squeeze Box" était une plaisanterie, une ritournelle "explicite" et un peu grivoise où il est question d’une épouse qui ne laisse jamais dormir son mari, obsédée qu’elle est par des envies permanentes de "dedans-dehors".

Pete Townshend avait entendu un bonhomme surnommer "squeeze box" (accordéon) les seins de sa compagne, ce qui lui avait donné l’envie d’écrire un simulacre de polka sur le sujet après avoir sommairement appris à jouer quelques notes basiques sur un piano à bretelles.

Le titre n’était définitivement pas destiné à être enregistré ; le groupe devait l’interpréter une seule et unique fois à la télévision en s‘entourant de cent mannequins topless feignant de jouer de l’accordéon (4).

La plaisanterie a tourné court lorsque Roger Daltrey a insisté pour que "Squeeze Box" figure sur By Numbers. Puis, comble de la contrariété créative, la maison de disques a estimé que c’était la seule plage de l’album susceptible de sortir en single. Et le titre se hissera dans le Top 10 britannique, ce qui n’était plus arrivé à The Who depuis 1972...

Après ça, on s’étonnera encore que Pete Townshend se sente incompris (ou maudit) dans sa démarche artistique…

Une œuvre "adulte"

C’est la voix, mature mais exaltée, de Roger Daltrey et la basse inouïe de John Entwistle qui font la force de By Numbers, Le chanteur s’investit avec conviction dans chaque titre comme si sa vie en dépendait. Le bassiste, en parfait équilibriste, tricote des lignes tellement déroutantes qu’il faut multiplier les écoutes pour en appréhender le magnifique nuancier.

Pour sa part, Keith Moon tape sur tout ce qui bouge avec son entrain habituel et, appelé en renfort, Nicky Hopkins, l’invité fétiche du gratin rock, pianote joyeusement pour apporter une colorature  faussement joyeuse à l’ensemble.

Si l’on excepte "Squeeze Box" et le folky "Blue, Red And Grey" (chanté d’une voix de fausset plaintive par Pete Townshend avec le soutien de John Entwistle au cor d’harmonie), tous les titres abordent des sujets désespérants : les dangers et mensonges du rock business dans "Slip Kid" et "Success Story" (écrit par John Entwistle), la misère de l’alcoolisme dans "However Much I Booze", la frustration sexuelle dans "Dreaming From The Waist", les horreurs de l’âge dans le merveilleux "Imagine A Man", le triste à mourir "They Are All In Love" puis le conclusif "In A Hand Or A Face" ou encore les fausses amitiés liées au succès dans "How Many Friends" (5).

Il y a des enterrements plus joyeux

Marqué par une totale absence de juvénilité, égaré dans une année d’une incroyable richesse en albums rock remarquables, By Numbers était condamné à un quasi anonymat ou, dans le meilleur des cas, à une indifférence polie. On compte par ailleurs sur les doigts d’une main (à trois doigts) les titres de l’album qui seront un jour joués sur scène.

A ce titre, ce septième album en studio marque (assez laborieusement) la fin d’un groupe mythique. La suite ne sera plus qu’affaire de nostalgie, de rééditions, de générique de feuilletons, de ruptures, de reformations, d’enterrements, de compilations, de tournées Very Best Of, de Hall Of Fame, de musées, … (6)

Finalement, et c’est un sacré paradoxe, By Numbers réussit à être à la fois un des moins bons albums "classiques" de The Who tout en étant probablement l’œuvre solo la plus aboutie de Pete Townshend (7).

Sic transit gloria mundi comme dirait l’autre.


(1) C’est durant l’exécution publique de l’intégrale de ce double album boursoufflé que j’ai vu, pour la première fois de ma vie, un rocker sombrer dans le sommeil en plein concert. A certains moments, je l’ai sincèrement envié…

(2) Le monde a probablement échappé au pire lorsque ce projet de double album a été abandonné. Le scénario, inspiré par la pensée soufiste imaginait un futur ou le rock n’était plus joué que dans une « maison de vie » où l’on apprenait à la jeunesse ce que cette musique avait été dans le passé. Attention, j’en ai entendu au moins un qui soupirait "Aux abris !"

(3) Il faut convenir du fait que la pochette caricaturale de By Numbers n’a pas grand-chose à voir avec la désespérance générale des textes. Une anecdote que j’ai relevée sur le web m’a beaucoup amusé. Un internaute confie qu’alors qu’il était gamin, il avait découvert sur la table du salon l’album tout neuf que son père, fan de The Who, venait d’acheter. Croyant que le dessin lui était destiné, il avait patiemment relié tous les points avant de colorier les musiciens. Il aurait peut-être fallu retenir cette version pour les rééditions...

(4) Les temps changent. Cinquante années plus tard, les petits seins révolutionnaires d’Amyl sont pudiquement floutés sur la pochette de l’album de son groupe.

(5) A bien chercher, je connais peu de titres rock aussi sincèrement désespérés que "How Many Friends"… C’est presque du Jacques Brel ou du Stromae...

(6) A cette heure, il ne manque qu’un remix de Steven Wilson pour fermer le cercueil…


(7) Un an plus tôt, Peter Gabriel avait fait de même avec The Lamb Lies Down On Broadway...


 

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