
The White Stripes
Elephant
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1- Seven Nation Army / 2- Black Math / 3- There's No Home For You Here / 4- I Just Don't Know What To Do With Myself / 5- In The Cold, Cold Night / 6- I Want To Be The Boy To Warm Your Mother's Hand / 7- You've Got Her In Your Pocket / 8- Ball And Biscuit / 9- The Hardest Button To Button / 10- Little Acorns / 11- Hypnotize / 12- The Air Near My Fingers / 13- Girls, You Have No Faith In Medicine / 14- Well It's True That We Love One Another


Que serait-il advenu des White Stripes sans le succès interplanétaire de   "Seven  Nation Army" ? Nul ne le saura jamais. Mais en réussissant à   pondre  l'hymne définitif de la génération 2000 tout en brodant l'un des   riffs  les plus anthologiques de ces trente dernières années, Jack  White  s'est  offert une importante visibilité critique et publique qui a   propulsé  la scène garage, le fameux revival des groupes en "The",  sous  le feu  des projecteurs. Mieux : là où des groupes comme   The Black Keys,     The Greenhornes ou encore The John Spencer Blues  Explosion ont  échoué à  se faire les apôtres populaires du blues-rock à  l'ancienne,  Jack et Meg  White ont imposé leur minimalisme antagonique   (masculin-féminin,  rouge-blanc, virtuosité de la guitare - simplicité   de la batterie) tout  en proposant au monde une vision du rock aussi   austère dans sa  conception (via un enregistrement instinctif sur huit   pistes et sans  ordinateur) que jouissive dans sa réalisation. 
 
   En effet, réduire Elephant à son gigantesque tube introductif    serait une énorme erreur tant ce quatrième album de la fausse fratrie    dénote l'aboutissement de sa carrière, érigée autant comme un  manifeste   d'authenticité que comme une plaidoirie en faveur d'un rock  brûlant, à   mi-chemin entre l'urgence des Cramps et la folie maitrisée  du grand  Zep.  Ici, Meg et ses rythmiques binaires perdent en  importance au  profit  d'un Jack omniprésent au chant (sauf sur le  délicieusement  gauche "In  The Cold Cold Night" chantonné par sa  compagne de scène) et   époustouflant de maitrise et de sensibilité aux  commandes de sa Airline   Res-O-Glas. Le blues se décline dans toutes  ses variantes, du plus   classique ("Ball And Biscuit") au plus éclaté  ("I Just Don't Know What   To Do With Myself", tantôt paisible, tantôt  hargneux) sans oublier de   nourrir une légèreté souvent drôle et  toujours jouissive ("The Air Near   My Fingers"). Il  inspire les balades dans un style  quasi-pathognomonique  de White ("I  Want To Be The Boy...", encore plus  identitaire qu'une  empreinte  digitale) et s'associe à un son hérité de  la fin des sixties  qui aime  la lourdeur et la saturation (charge  équestre implacable avec  "Black  Math", brûlot garage enfiévré avec  "Girl, You Have No Faith In   Medecine") jusqu'à flirter avec le  proto-metal des seventies ("Little   Acorns"). 
 
 Corollaire de ce  succès monstre et du statut culte  du disque, le monde  ne fut plus  jamais le même pour Jack White. Signe  que sa vision aussi  juvénile que  rétro du rock avait à ce moment là  atteint sa quintessence,  il cherche  depuis à explorer par tous les  moyens de nouveaux horizons,  que ce soit  au sein de ses chers White  Stripes (avec l'acoustique et  controversé Get  Behind Me Satan  et l'éclectique Icky Thump)  ou par le  biais de ses deux  side-projects,    The Raconteurs aux côtés de  Brendan Benson ou encore    The Dead Weather avec Alison Mosshart. Oui,  qu'on le  veuille  ou non, il y a bien eu un avant et un après Elephant.  

Les White Stripes sont les rois du minimalisme. Déjà, qui oserait jouer avec seulement une guitare et une batterie sur scène ? Ensuite, l'enregistrement de l'album s'est fait en 10 jours après trois semaines de répètes (un record de longueur selon eux), et jamais sur plus de 8 pistes. Les ordinateurs, n'y pensons même pas : "No computers were used during the writing, recording, mixing or mastering of this record" annonce non sans humour le livret. Le succès de leurs trois albums précédents leur ont permis d'aller encore plus loin dans le minimalisme. Regards vers le passé donc : malgré leur jeune âge (27 et 28 ans), leur son sonne terriblement vieux. Même sur un CD il sonne vieux, alors imaginez sur un vinyl ! C'est d'ailleurs sous cette forme que les journalistes ont reçu la galette... par plaisir ou pour limiter les piratages ? Sans doute les deux... Car il ne fait aucun doute que s'ils pouvaient vivre en vendant uniquement des vinyles, ils le feraient ! Côté musique, que trouve-t-on sur ce Elephant, quatrième album de la vraie / fausse fratrie ? La première chose, avant les notes, avant la voix, c'est le son, indéniablement, on entendrait presque les craquements sur le CD, un mélange de blues ("I Just Don't Know What To Do With Myself", "Girl, You Have No Faith In Medicine"), de garage rock, très efficace sur des titres comme "Seven Nation Army", "Black Math", et des petites ballades toutes mignonnes ("You've Got Her In Your Pocket", "In The Cold, Cold Night", où l'on peut entendre la voix de Meg). Et une petite dernière, "Well It's True That We Love One Another", clin d'oeil - à la limite de la country - aux rumeurs qui vont et qui viennent sur leur lien de parenté (frère et soeur ou mari et femme ?) : "I love Jack White like a little brother" / "You know that I'll love you 'til the end", etc. Ils ne réinventent rien, si ce n'est le vieux, ils ne sont pas le futur du rock, à la rigueur le présent d'un passé. S'ils réinventent le son, c'est uniquement en nous rappelant ce qu'il a pu être et maintenant ça sonnerait presque comme du neuf. Plus personne n'enregistre comme eux, quelques irréductibles de l'analogique à la rigueur, et encore... sur des 8 pistes ??? Non, ne me faites pas croire ça. Les voilà donc, avec ce néo vieux son, en train de jouer dans un style décliné des milliers de fois par tous les musiciens de la planète... et ça marche, ça cartonne même ! Un son pouillave, une voix éraillée, même pas belle, une guitare qui sonne... bizarre. Mais leur musique a une âme, et ça nous change tellement de tout ce qui peut se faire actuellement (et n'allez pas me dire que The Strokes et The White Stripes c'est kif kif !). De moins en moins de groupes de rock'n'roll peuvent se vanter d'être vraiment rock'n'roll : ici ça balance, c'est expédié vite fait, c'est brut et intense, ce n'est pas beau, ça ne groove pas, c'est simple, mais c'est si bon à entendre ! On a l'impression de retourner aux racines du rock : dans l'esprit comme dans la musique. C'est ça les White Stripes.
























