
Witchcraft
Legend
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1- Deconstruction / 2- Flag of Fate / 3- It's Not Because of You / 4- An Alternative to Freedom / 5- Ghosts House / 6- White Light Suicide / 7- Democracy / 8- Dystopia / 9- Dead End


Cinq  ans qu’on n’avait plus de nouvelles de Witchcraft, ce qui, à l’échelle  du rock, équivaut presque à un dépôt d’armes. Après un trio d’albums  engoncés dans un confortable revival sabbathesque analogique allègrement  assaisonné au psychédélisme occulte, voilà que Magnus Pelander et sa  clique de fidèles ont effectué un gros bond dans le temps de quasiment  quarante berges pour venir titiller les tenants du heavy - doom du  vingt-et-unième siècle et tenter de faire de l’ombre, entre autres, à  The Sword. Dans cette entreprise, les choses n’ont pas été faites à  moitié : recrutement de nouveaux disciples - la paire de gratteux Simon  Solomon / Tom Jondelius et le cogneur Oscar Johansson, départ du  confidentiel label Rise Above pour le plus grand public - et plus metal -  Nuclear Blast, production nettement plus moderne assurée par Jens  Bogren (Opeth, Katatonia, Symphony X), Witchcraft tente son OPA sur  l’héritage nordique moderne des Black Sabbath, Blue Cheers et autres  Pentagram. Legend marque donc un réel virage dans la discographie des  suédois, et un virage plutôt habilement négocié.
Mais  qui dit virage dit aussi, bien souvent, changement d’orientation. Si se  revendiquer d’une filiation sabbathienne signifie à peu près tout et  n’importe quoi au vu de la grande diversité baignant la discographie de  la bande à Iommi, persister dans une filiation ne signifie pas  automatiquement rester dans le même camp. Legend voit ainsi Witchcraft  basculer dans l’univers metal de Black Sabbath, celui de la période  Heaven And Hell de Ronnie James Dio, celui de Thin Lizzy ou de  Witchfinder General, et tourne ainsi le dos au versant hard rock -  stoner de l’époque Ozzy, et mine de rien, ça change tout. Ca change tout  parce que, qu’on le veuille ou non, le stoner représente une réaction,  justement, aux dérives du metal et notamment à la prise de distance très  nette du genre avec les racines blues du rock n’ roll, sans même  compter le folklore (vestimentaire ou autre) associé au genre. Soyez  donc prévenus : si vous aviez apprécié Firewood et The Alchemist, vous  pourriez parfaitement vous trouver ulcérés par la couleur musicale  livrée ici par Pelander and co.
Les  autres peuvent foncer les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes :  Legend, dans le genre, fait très fort. Les premiers tours de platine  laissent poindre un net gain en terme purement technique : si certains  se gargariseront des superbes partitions du nouveau maître en percussion  - une écoute centrée uniquement sur la batterie pouvant très largement  s’envisager au vu des performances de Johansson, la plupart retiendront  surtout les progrès vocaux évidents de Magnus Pelander, un type qui se  trouvait auparavant trop facilement catalogué dans les imitateurs  d’Osbourne (un comble, lui dont la voix se rapproche bien plus de celle  de Dio) et qui développe ici une voix claire d’une extrême expression.  Résultat : la puissance des hymnes de Witchcraft se trouve emportée dans  un grand embrasement lyrique, que ce soit au gré de riffs hard  séculiers ("It’s Not Because Of You", “Ghosts House") ou de matraquages  metal délivrés avec application ("Democracy"). Mais ce qui convainc ici,  c’est que Witchcraft, loin de dérouler passivement le répertoire  attendu pour faire honneur au genre, ose brasser les influences et  injecter une réelle fraîcheur à son répertoire. On pense au bottleneck  largement exploité avec "An Alternative To Freedom", aux changements de  tempos de "Deconstruction", à l’excellence mélodique soft de "Flag Of  Fate" ou aux élongations des deux derniers morceaux. Chaque instrument  est exploité à sa juste valeur, et si les solos de guitare ne font pas  preuve d’une folle originalité, on ne peut en revanche qu’apprécier la  place prépondérante prise par la basse du vétéran Ola Henriksson dont  l’instrument, toujours très audible, délivre des lignes d’un intérêt  constamment renouvelé. Jusqu’ici, c’est parfaitement bon, mais il y a  plus.
Car  lorsque Witchcraft cherche autant à remuer les tripes qu’à chambouler  l’esprit, ça cartonne. Ainsi en va-t-il du traitement vocal  presqu’effacé de "White Light Suicide" ou, au contraire, des  incantations d’église débutant "Dystopia". Pelander, ici, montre toute  l’étendue de son talent et transporte ses morceaux au delà du simple  exercice de style, démontrant que Witchcraft vaut plus, bien plus, qu’un  simple tribute band studieux et passionné. Le dernier titre, "Dead  End", va même parfois lorgner du côté du psychédélisme spirituel de Tool  en alternant odes vocales hallucinées et riffs omnibulants, et si le  titre pêche certainement par quelques redondances inutiles, il n’en  reste pas moins d’une profondeur hautement respectable. Le pari de  Legend apparaît donc largement réussi, et ce Witchcraft new look devrait  sans problème convaincre un confortable auditoire féru de metal old  school et d’élévation spirituelle. Rendez-vous au Hellfest pour les  travaux pratiques aux côtés, justement, de The Sword, tandis que les  cousins stoner de Clutch, Karma To Burn, Danko Jones et Red Fang  seront également de la partie. Deux interprétations différentes d’un  même dogme sabbathien qui, avouons-le, fait encore bien plaisir à  entendre...
























