
Pink Floyd
The Dark Side of the Moon
Produit par Pink Floyd
1- Speak to Me / 2- Breathe / 3- On the Run / 4- Time / 5- The Great Gig in the Sky / 6- Money / 7- Us and Them / 8- Any Colour You Like / 9- Brain Damage / 10- Eclipse


The Dark Side Of The Moon  ou le disque parfait, l'album qui      appelle immédiatement les  superlatifs : troisième meilleure vente de      disques de tous les temps  (45 millions de copies écoulées de par le      monde), record absolu de  longévité dans le Billboard (741 semaines      d'affilée, soit plus de 14  ans !), étalon or auditif pour tester  la     qualité des chaines hi-fi  jusqu'aux années 90... mais c'est  surtout     l'album qui a propulsé du  jour au lendemain Pink Floyd de      l'anonymat de  l'underground anglais à la célébrité universelle et    qui  a  transformé le  groupe en une machine à remplir les stades. Au    delà  de  ces simples  aspects matériels, Dark Side marque    surtout  une  rupture avec  l’œuvre antérieure du Floyd et réalise la     quintessence de  ce que la  formation souhaitait exprimer sur disque     depuis la défection  de son  leader Syd Barrett en 1968. Il aura donc     fallu à David Gilmour,  Roger  Waters, Rick Wright et Nick Mason cinq     années et sept albums  studios (en  comptant deux BO de film) pour parvenir à un tel résultat. Mais quel  résultat !
La clé de Dark Side tient uniquement dans une  constatation en apparence anodine, mais qui a défini très tôt la  relation liant les quatre hommes : Pink Floyd est      un groupe qui s'est  retrouvé très tôt (trop tôt) décapité et qui a      dû se battre pour  avoir simplement le droit d'exister. La perte de   Syd    Barrett s'est  révélée dramatique pour ses congénères, car  outre  sa    personnalité  musicale affirmée et ses dons de guitariste   atypique, il    était surtout  l'unique songwriter et parolier de la   formation. Sa    défection suite aux  troubles psychiatriques dont il   souffrait a donc    mis le Floyd face à un  cruel dilemme : arrêter le   rock, ou poursuivre    la musique à l'aveugle.  Cette deuxième solution a   donc été retenue,    avec les forces et les  faiblesses que l'on   connaît : d'un côté un    répertoire essentiellement  instrumental,   reposant sur l'improvisation    et l'expérimentation sonore    initialement versée dans le psychédélisme    spatial, et de l'autre un    manque récurrent de chansons à texte et de    mélodies. Paradoxe  suprême  :  jusqu'à Meddle, les quatre  hommes   n'ont jamais  réussi à  mélanger  les textures sonores riches de  leurs   exploits  psychés avec  des textes  convenables, et les seules  vraies   chanson  du groupe se  trouvaient  réalisée sous forme  acoustique. Jusqu'à   Meddle,   en effet, car  c'est à partir de  cet album que la   mayonnaise  commence  à prendre grâce à  un seul titre :  "Echoes". Tous   les  essais  antérieurs de Pink Floyd, les  morceaux de  bravoure    hallucinés d'A Saucerfull Of Secrets, les digressions sous LSD de More - Ummagumma ou l'essai progressif-classique d'Atom Heart Mother,       n'avaient convaincu qu'à demi-mot leurs auteurs. Mais sur  "Echoes",    la   jonction se réalise enfin grâce à une idée  conceptuelle de Roger     Waters,  idée qu'il décide de mettre en texte  et dont il livre les     pistes de  développement musical aux trois  autres. Le résultat, ce  long    titre  fleuve de plus de 20 minutes aux  multiples ambiances    juxtaposées,  se  révèle absolument magistral et  constitue sans aucun    doute le  morceau le  mieux maîtrisé et le plus  ambitieux du quatuor.    Rassuré sur  la direction  à prendre, le Floyd  confie alors toute la    conception  thématique de  l'album suivant à  Waters : les bases de la face cachée de la lune sont jetées.
A ce stade, Pink Floyd est à son apogée artistique. Le groupe vient de réaliser le cultissime concert Live At Pompeii (dont certains passages vidéo ont d'ailleurs été enregistrés durant les sessions studio de Dark Side) qui glorifie les pièces maîtresses de Meddle :       "Echoes", donc, mais aussi "One Of These Days", un titre futuriste       sublimé par la maîtrise technologique et instrumentale de Rick   Wright,     sans oublier les meilleurs morceaux des sets live du groupe,   dont le     trip oriental "Set The Controls For The Heart Of The Sun"   et le     sculptural et inquiétant "Carefull With That Axe, Eugene".  Sur  la vidéo,     on y découvre une formation en osmose totale, aussi  douée  dans la     restitution de l'ossature sonore des morceaux que  dans le  raffinement  de    leurs improvisations finement mesurées. Là  se situe  le point     d'équilibre subtil du Floyd, la jonction entre  quatre  hommes qui se     partagent à responsabilité quasi-égale, au  moins en  terme d'importance     respective de chaque aspect, le  songwriting, le  chant, les textures     mélodiques et les  expérimentations sonores, sans  aucune considération     d'égo. C'est de  cet équilibre que naissent les  sessions de travail de Dark Side  à la fin de 1971 : Roger Waters apporte      la plupart du matériel qu'il a  au préalable mis sur démo, et le     groupe  jamme dessus de longues heures  durant afin de se l'approprier     et de  trouver la forme la plus convenable  à offrir à ces morceaux.     D'autres  titres piochent dans des chutes de  studio passées :     "Breathe", sous une  forme primitive, avait été composé  par Waters pour     la BO du film The Body de Ron Geesin, et "Us And Them" l'avait été par Wright pour Zabriskie Point       de Michaelangelo Antonioni, mais aucun de ces deux morceaux    n'avaient    été retenus à l'époque. Quant à "The Great Gig In The Sky",    c'est   Wright  qui en a composé seul la mélodie au piano, car il    manquait du   temps sur  la première face du vinyle et Waters pensait    qu'un   instrumental  conviendrait bien à cet endroit. Début 1972, le    nouvel   album a déjà  atteint sa forme quasi-définitive, mais plutôt    que   d'entrer directement  en studio, Pink Floyd se décide à étrenner ce matériel inédit en  tournée, en Europe et aux Etats Unis. Finalement, les sessions  d'enregistrement de The Dark Side Of The Moon      s'effectuent en  deux temps durant l'année 1972 à Abbey Road,    sessions   entrecoupées de  cycles de performances lives et de    répétitions, ce  qui  permet au groupe  d'apporter de multiples    retouches à son œuvre.  C'est  notamment suite à  des essais live que    des titres comme "On The  Run" et  "The Great Gig In  The Sky" se sont    trouvés profondément  remaniés, le  premier privilégiant  des textures    expérimentales  oppressantes à un  instrumental plus  classique, et le    second remplaçant  une lecture  biblique surplombant le  morceau de    piano par une  performance vocale  improvisée de la chanteuse  Clare    Torry.
Impossible de parler de The Dark Side Of The Moon  sans aborder spécifiquement la partie technique de sa réalisation. En  effet, Pink Floyd a      toujours été à la pointe du progrès, que ce soit en  studio ou en     live,  mais l'aspect technologique prend une place encore  plus     considérable  dans l'élaboration, la réalisation et le succès      commercial de ce  nouveau projet. A ce sujet, on vous conseille     fortement  la vision du  DVD du making of de l'album qui décrit     particulièrement  bien les  appareils et les techniques d'enregistrement     novatrices  utilisées à  l'époque. Tout d'abord ce disque est le     premier à être capté  sur un  enregistreur 16 pistes, matériel qui     permet une bien plus grande   flexibilité de mixage que les anciens 4 et     8 pistes. Il s'agit aussi du   premier album utilisant le tout   dernier   cri technologique de   synthétiseurs, notamment les EMS VCS3   et EMS   Synthi A dont l'apport est   particulièrement palpable sur des   titres   comme "Breathe" et surtout "On   The Run" (avec cette boucle  de  8 notes   hyper-accélérées qui se  retrouve  distordue dans tous les   sens). Mais   la technologie elle-même  n'est pas  toujours suffisante   pour que les   quatre hommes, Nick Mason et  Roger  Waters en tête,   puissent donner   libre court à leurs idées les  plus  folles, et il   leur faut parfois   improviser avec les moyens du  bord.  C'est ainsi   que Waters a l'idée   géniale, pour l'introduction de  "Money",  de   créer 7 sons en rapport   avec l'argent (pièces qui tombent,  ticket    déchiré, "ding" de caisse   enregistreuse etc), de les enregistrer    chacun  séparément, puis de   prélever sur chaque bande un échantillon   de  durée  égale, de coller   chaque échantillon bout à bout, et de   bricoler  une  sorte de quenouille   qui élargit la taille de l'appareil   de bobinage   utilisé en studio.  Le  résultat est mondialement connu   mais il demeure   toujours aussi   incroyable à écouter, surtout quand   on connaît la façon   artisanale   dont il a été créé. Mais l'autre   particularité de Pink  Floyd,  outre   son avant-gardisme technologique   permanent, est de  toujours  s'entourer   des meilleurs techniciens   audio pour leurs  enregistrements.  Pour Dark Side,   le   quatuor décide d'engager  au poste de  producteur un certain Alan     Parsons, l'un des tous meilleurs  ingénieurs  du son d'Angleterre et qui     a d'ailleurs déjà officié sur la  partie  technique d'Atom Heart Mother     - notamment sur le  mixage  quadriphonique de l'album (là encore une     première mondiale,  Parsons  étant l'un des plus grands spécialistes   de   la quadriphonie au  monde). On  rappellera juste que la   quadriphonie  est  l'ancêtre des Dolby  Digital et  autres DTS, et que   ce format   correspond donc à une sorte de  4.0 en lieu  et place des   5.1   actuellement utilisés au cinéma. Ayant  pris du galon et    profitant par   ailleurs de séances d'enregistrement  particulièrement    éclatées,   l'homme se consacre corps et âme à ce projet  et passe un   temps    considérable à rechercher les meilleurs équilibres  possibles   entre les    différentes pistes captées, à tester des textures    différentes, à   ajouter  ou à amputer des parties instrumentales, à    éparpiller les   différents  sons dans l'ensemble du volume sonore (en    stéréo, puis   ultérieurement en  quadriphonie) etc... C'est donc à lui    que l'on doit   la richesse sonore  époustouflante de l'album, une    richesse qui ne  peut  être captée dans sa  pleine ampleur qu'avec une    écoute au casque  dans  un endroit parfaitement  insonorisé. Last but   not  least, Parsons  est  également l'auteur du  célèbre déluge de   cloches et  de sonneries  de  réveils qui ouvre "Time" :  cette   séquence, enregistrée  par le   technicien lui-même, devait  normalement   servir de test pour les    systèmes hi-fi quadriphoniques, mais  a  fini  par prendre toute sa place    sur ce morceau consacré au temps qui    défile inexorablement. Pas    étonnant, donc, que cet album et ce   passage  en particulier aient été    utilisés pour tester la qualité   audio des  chaines hi-fi pratiquement    jusqu'au début des années 90 !
The Dark Side Of The Moon       inaugure toute une série de concept-albums créés sous la férule de       Roger Waters, cet album-ci étant consacré à, dixit l'intéressé, "tout ce qui est capable de rendre les gens fous".       En toile de fond, il faut bien comprendre que le bassiste géant a    été    littéralement traumatisé par la schizophrénie développée par  son   ami   Syd  Barrett, un type brillant sur les plans intellectuels  et     artistiques et  qui, quasiment du jour au lendemain, n'a plus été      capable de tenir son  rôle dans le groupe. Waters, sans nier  l'effet du     LSD en tant que  co-responsable du trouble mental de  Barrett,   incrimine   tout autant les  pressions diverses qui se sont  abattues sur   le Crazy   Diamond à l'aube de  Pink Floyd :      argent, succès, médias etc... en clair, la pensée de  Waters tient   en    une peur obsessionnelle : si Syd Barrett a sombré dans  la folie,    alors   lui aussi peut devenir fou à son tour. S'en suivent de     nombreuses   réflexions sur le sens de la vie, le rôle de l'enfance et    de    l'adolescence comme préparateur à l'âge adulte (concept hérité de       l'éducation maternelle de Waters et que ce dernier finit par  renier)   ou    encore l'isolement lié en partie au star system. Mais,  et c'est  là  que    le propos diffère des élaborations ultérieures du  bassiste, Dark Side dépeint les maux de ce monde de façon extérieure et, pour reprendre le terme de Waters lui-même, "empathique". Il n'est pas encore question de stigmatisation ni de révolte contre le système (la fameuse Machine de Wish You Were Here ou les porcs de Animals),       et c'est ce qui fait que l'on peut encore très facilement   s'attacher  à    ces réflexions philosophiques modernes qui apparaissent    universelles   et  assez faciles d'accès. Dans le détail, la première    face du vinyle   est un  cycle de vie complet, des battements de  coeur   de la naissance   ("Speak  To Me") à la mort (ce "grand concert dans le ciel")      avec  évocations successives de la futilité ("Breathe"), de    l'angoisse   ("On  The Run") et de la façon dont on doit utiliser le    temps qui nous   est  offert durant notre existence ("Time"). Le propos    de la seconde   face est  plus sombre et s'attarde justement sur ce  qui   conduit à la   folie :  l'argent ("Money"), l'isolement ("Us and   Them")  et le rôle   réducteur de  la société face à l'individu ("Any   Colour You  Like"). Puis   la folie  arrive : "Brain Damage" est une   sorte de  monologue à sens   unique de  Roger Waters face      à Syd Barrett (d'ailleurs, c'est Waters qui chante),  le premier      essayant de comprendre le second, de l'accepter (et par la  même,      d'affronter sa propre crainte de la folie) et de se mettre à son  niveau      : la fameuse face cachée de la Lune. Enfin, "Eclipse", qui se    trouve    enchaîné au morceau précédent, se charge de ré-injecter une   dose     mesurée d'optimisme face à la noirceur du propos : l'obscurité   de     l'existence est présente pour chaque être humain sur terre, à   nous de     l'accepter, de composer avec elle et de nous entraider les   uns les     autres pour surmonter les épreuves.
Ce qui est   proprement     fantastique avec cet album, c'est qu'on peut l'écouter   indéfiniment et     se retrouver à chaque passage surpris par des   détails que l'on avait   pas   remarqués auparavant. The Dark Side Of The Moon   réalise   ainsi  un  paradoxe assez étonnant : il s'agit de l'album le   plus   mainstream  et  accessible de Pink Floyd, et pourtant il s'agit     également de son  disque  le plus fignolé, le mieux soigné et le  plus    abouti. Si on a  souvent  l'habitude de cataloguer le groupe  dans le    genre progressif,  cet  album-ci s'éloigne assez radicalement  du genre    en ce sens qu'il  comporte  des pistes sensiblement  formatées et des    structures mélodiques  simples  basées sur les  traditionnelles    alternances couplets-refrains.  Mais ce  formatage  (relatif, tout de    même) est poussé dans ses limites  les plus   extrêmes en ce sens où,    malgré le carcan inhérent aux limites    temporelles et structurelles, on    reste estomaqué devant la profondeur   et  l'inventivité des    arrangements et des enchainements du disque.    Impossible de tout citer,    bien sûr, mais tout de même : comment ne  pas   rester bouche bée   devant  l'introduction démentielle que  représente   "Speak To Me", un   titre qui  reprend quasiment tous les  tics sonores de   l'album et qui   les  propulse jusqu'à l'auditeur en  un lent crescendo   auditif, magma    invraisemblable   de samples, rires, chœurs et  instrumentations    étranges, le tout sur   fond de battements cardiaques  majestueux ? La    première face du  vinyle  reste d'ailleurs la plus  impressionnante sur    le plan  purement  technique, notamment dans sa moitié  initiale. Seul    bouée  d'ancrage pour  l'auditeur au début du voyage,  "Breathe" est une     fantastique incursion  dans la félicité la plus  exquise, tel un rêve     éveillé magnifié par la  grâce de la Pedal Steel et  de la guitare     chatoyante de David Gilmour.      Un moment de flottement  magique qui vire bien vite au cauchemar le      plus angoissant sur "On The  Run", fascinante plongée dans des    tourments   synthétiques hallucinés  d'une noirceur sépulcrale, virée    haletante au   sein d'un hydroglisseur  dément qui s'achève en un crash    inévitable.   Puis le silence s'installe,  assourdissant, bien vite    troublé par un   léger tic-tac qui précède la  fameuse avalanche de    carillons anarchiques   de "Time", une expérience  sonore unique que    tout le monde devrait   absolument vivre au moins une  fois dans sa vie.    "Time" donc, une   véritable leçon d'enchainement qui  voit se   succéder  une lente   introduction en percussions profondes et  synthé   gracile,  puis une ode   pop emportée à l'arrache par un David  Gilmour   qui  braille comme si sa   vie en dépendait (et quel solo, encore,    simple,  crissant et royal !).   Et soudain, sans nous en rendre compte,    nous  sommes retombés sur le   thème et le tempo de "Breathe", tandis   que  les  chœurs féminins qui   envahissent l'espace sonore annoncent   déjà "The   Great Gig In The Sky",   avec sa mélodie jazzy au piano   (superbe   prestation et superbe mélodie   de Rick Wright) et surtout la    performance  vocale en apnée de Clare   Torry, improvisation    hallucinante sur le thème  de la souffrance et de   la mort qui va de    l'horreur démonstrative à  l'apaisement serein.   Impressionnant.
La face B s'ouvre d'emblée  sur le morceau de Pink Floyd      le mieux connu du grand public, "Money", un titre  tellement passé  et repassé à la radio qu'on en     oublierait presque de  l'écouter avec  attention. Erreur à ne pas     commettre, car là encore, avec  ce riff  bluesy à 7 temps, cette     introduction samplée époustouflante et  sa  richesse de construction, on a     droit à une pièce maîtresse de  l’œuvre  du Floyd. Écoutez donc les     giclées de guitares  omniprésentes de  Gilmour, leurs déplacements dans     l'espace, leurs  réverbérations, les  subtiles variations d'effet sur  la    wah-wah, la  façon dont elles se  répondent les unes aux autres...   c'est    indescriptible. Replongez-vous  dans le long solo du maître de   la six    cordes qui se bat en duel contre  le saxophoniste Dick Parry,      laissez-vous embarquer dans les montées et  descente en puissance du      morceau : une expérience comme celle-là n'a pas  de prix. Puis vient   le    temps de se poser et de réfléchir, et quoi de  mieux pour cela   que "Us    And Them", tout en rythme flottant et ouaté, où  chaque   pulsation,    chaque syllabe du chant, chaque mouvement de piano se    trouve comme    suspendu dans l'éther, formant un contraste saisissant   avec  la    puissance royale des refrains bardés de chœurs impériaux. Il   n'y a  là    rien de fondamentalement exceptionnel sur un plan  purement  formel, ce     passage faisant preuve d'une simplicité  technique  extrême, et  pourtant,    pourtant, on se trouve  irrémédiablement  emporté dans une  spirale de    sentiments  antagoniques à son écoute,  entre foi, tristesse  et espoir.    Cette  pause est poursuivie par "Any  Colour You Like", une  pièce     instrumentale qui n'a l'air de  rien au    premier  abord mais qui cache, là  encore, des trésors  d'intelligence   et  de  finesse. Le jeu des échos,  notamment, est assez  époustouflant   tant   sur les parties de synthétiseurs  spatiaux de  Rick Wright que sur   les   jeux de question-réponse récités de  main de  maître par David Gilmour à      la guitare : de la beauté, et rien  d'autre. Puis le voyage se    conclut   sur un diptyque musical grandiose,  "Brain Damage" -    "Eclipse". Waters   prend alors les commandes de l'esquif  et égrène ses    angoisses entre   pudeur maladive et majesté rayonnante  tandis que,   en  arrière fond, des   individus anonymes décrivent leur côté  sombre   et  leur rapport au mal  en  général. Une conclusion poignante qui    opère un  lent crescendo en  une  litanie déclamée en boucle dans le    tourbillon  des instruments et  des  chœurs, apothéose passionnée   rythmée,   là-encore, par les  battements  calmes d'un cœur qui nous   aspire à  nouveau  vers la face  précédente.
The Dark Side Of The Moon     est à  l'image du  célèbre prisme diffracteur qui orne sa pochette :     simple,  élégant,  futuriste, impressionnant, visionnaire, sublime.     Jamais les  quatre  hommes ne retrouveront la formidable alchimie qui  a    permis à  cette  réalisation de voir le jour, la perte  d'inspiration  et   de  motivation  de la paire Gilmour-Wright laissant  petit à petit  la   place à  un Waters  de plus en plus omnipotent et  dont le nouveau  statut   de leader   viendra progressivement détruire  l'équilibre subtil  qui   animait le   groupe sur la face cachée de la  lune. Cette  réalisation du   Floyd qui,  au  passage, n'a pas pris la  moindre ride   en   près de 40 années d'existence,  se  rapproche le plus de l'image  que    l'on pourrait avoir de l'album   idéal, la perfection faite  disque, la    Mecque vers laquelle toutes  les  oreilles doivent se  tourner. Car  n'en   doutez pas une seule  seconde :  oser prétendre  connaître la  musique pop   contemporaine  sans avoir ne  serait-ce  qu'une seule fois  écouté le   sommet de la  discographie de Pink  Floyd  relève, même encore  en 2011, de    l'hérésie pure et simple. Vous  savez  ce qu'il vous reste  à faire.




















