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Pat Kebra
Le coeur sur la main
Produit par
1- Mon coeur a dit / 2- Que reste-t-il? / 3- Génocide / 4- Héros / 5- Face à face / 6- Perpétuellement décalé / 7- I muchas gracias! / 8- Une distance / 9- Si je reste / 10- Une autre vie / 11- Contre-temps / 12- Un monde de fous
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Pat Kebra. Un nom qui n’évoquera peut-être pas grand-chose à quiconque n’est pas au moins trentenaire ou adepte des longues visites chez les disquaires, passées à farfouiller dans les trésors cachés dont regorgent bien souvent les bacs à vinyls. Pour d’autres, loin d’être un inconnu, l’ami Pat restera le fondateur et guitariste d’Oberkampf, groupe référence des débuts du punk en France. Muet depuis plus de vingt ans, mis à part un court passage au sein des Futurs Ex et un retour éclair dans l’actualité pour son opposition totale et justifiée à une reformation d’Oberkampf qui aurait sans doute plus fait vaciller le mythe que le compléter, Pat Kebra est cette fois de retour pour de bon, avec douze titres sous le bras. En solo donc, mais accompagné pour la bonne mesure par deux amis de longue date : Rascal à la batterie et Loulou à la basse. Album auto-produit, réglé entre potes, sobrement illustré par Thierry Guittard, Le cœur sur la main débarque à l’improviste là où plus personne ne l’espérait plus.
Car, franchement, que peut-on bien attendre d’un tel disque après une si longue absence ? Réponse : beaucoup de bonnes choses. Car, tel le bon vin, Kebra a mûri et s’est, à coup sûr, artistiquement enrichi. Si ce nouvel opus n’a pas (toujours) la rage de ses débuts, il s’en dégage une maturité qui, loin d’être seulement liée à l’âge, prouve que notre gratteur de service a encore beaucoup à dire et à partager. Oscillant entre guitare grinçante et son plus classiquement power rock, hanté par le chant si caractéristique de Pat, la majorité des titres de cet album offre une incroyable ballade dans le subconscient de l’auteur, à coup de textes attachants comme le mélancolique "Que reste-t-il", le presque classique punk 80s "Face à face" ou l’explosif et obsessif "Mon cœur a dit".
La formule magique en trio du rock contemporain fonctionne ici à merveille. Les compositions sont simples mais soignées et toujours abouties. Evitant les habillages excessifs ou les diversions musicales inutiles, Le cœur sur la main offre de perpétuels changements d’ambiance, entre le très latino "!Muchas Gracias!", le faussement naïf "Héros" et son envolée rock’n’roll du meilleur cru, ou le nerveux "Génocide" qui prouve à merveille qu’un passé punk ne vous quitte jamais. Pat Kebra démontre ainsi ses talents d’équilibriste, perpétuellement entre punk de la première heure, rock garage et chanson française. Loin des formats contemporains par trop classiques, cet opus - dont on se dit qu’il aurait aussi pu s’intituler Pat Kebra sort ses tripes - s’affirme clairement comme le résultat d’un long processus de maturation, tant musicale qu’humaine.
Ouverture parfois impudique sur les pensées et l’univers d’un artiste visiblement en perpétuel questionnement, ce 12 titres peinera peut-être à conquérir un jeune public peu habitué à un tel déballage de sentiments bruts de décoffrage mais régalera à coup sûr les amateurs de la première heure comme les amoureux de musique à textes. Et s’il n’est pas à proprement parler une bombe musicale ultra-novatrice, la charge émotionnelle que contient Le cœur sur la main est immense, et offrira à l’auditeur attentif une incroyable tranche de générosité et d’humanité. Chapeau et merci Monsieur Kebra!