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Outlaws
Outlaws
Produit par Paul A. Rotschild
1- There Goes Another Love Song / 2- Song for you / 3- Song In The Breeze / 4- It Follows From Your Heart / 5- Cry no more / 6- Waterhole / 7- Stay with me / 8- Keep Prayin' / 9- Knoxville Girl / 10- Green Grass & High Tides

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Il ne s’agit pas d’une spécificité propre au rock sudiste, mais il est remarquable que la plupart des groupes de cette écurie ait mis un temps particulièrement long à parvenir à enregistrer un premier album. Lynyrd Skynyrd arrive dans les bacs en 1973, alors que le groupe est formé depuis le milieu des années 1960. Plus tard, Molly Hatchet mettra plus de sept ans à produire un premier opus et avant eux, Outlaws connaissait sa première chrysalide dès 1967, autour d’Hughie Thomasson, mais ne fut capable de mettre au monde son premier album qu’en 1975. En Floride, qu’on soit de Jacksonville ou de Tampa, il fallait être opiniâtre pour trouver un soutien, et vouloir écumer les clubs locaux pendant plusieurs années afin d’aboutir à un résultat satisfaisant.
En réalité, Outlaws s’était déjà rendu à New-York en 1968 pour enregistrer un premier album, qui ne vit jamais le jour, puis à Miami pour renouveler l’expérience, en vain - problème de producteur et problèmes au sein du groupe. De toute façon, les premières années d’Outlaws sont rendues complexes à cause d’une instabilité chronique autour du leader Hughie Thomasson, qui n’hésite pas à quitter la Floride pour tenter sa chance dans la grande métropole. Il faut attendre 1972 pour que "l’armée des guitares de Floride" soit formée derrière son général, avec deux musiciens aux rapports infidèles avec Tampa : Billy Jones est né au Michigan et a surtout vécu au Colorado, bien qu’il ait en partie grandi en Floride, et le New-Yorkais Henry Paul a partagé sa jeunesse entre Tampa et la Grosse Pomme où il a commencé sa carrière de musicien.
C’est néanmoins poussé par un Lynyrd Skynyrd prêt à assumer son rôle de locomotive, qu’Outlaws parvient enfin à se faire repérer et à enregistre un premier album (sobrement intitulé Outlaws)… en Californie. Sudiste certes, mais opportuniste.
Alors bien sûr, la pochette trahit l’orientation musicale du combo, qui parvient à se placer entre Lynyrd Skynyrd (pour ses envolées guitaristiques et ses quelques rares pièces plus électriques – dont un hymne dixie extraordinaire) et les Allman Brothers (pour son registre souvent plus apaisé et roots), mais Outlaws se laisse aussi séduire par l’approche faussement enracinée et habilement soft-rock des Eagles. C’est pourquoi selon moi (prenez en compte cet aspect très subjectif), Outlaws ne parvient jamais à offrir des albums imparables alors qu’il est capable de composer des morceaux parmi les plus exceptionnels du genre.
Malgré cette incise critique, Outlaws fait clairement partie du haut de leur discographie.
Sur ce premier opus en effet, on notera "There Goes Another Love Song" où la guitare sautille avec virtuosité et où le refrain est tout bonnement tubesque, la dextérité des six-cordistes sur "Song for You" qui reprend l’allure des Allman Brothers ou sur le plus convenu "Cry No More" (virtuosité également très sensible sur l’instrumental "Waterhole"). Bien qu’un peu mièvre, "Song in the Breeze" laisse encore une fois apprécier le travail des soldats guitaristes, qui est assurément le point fort du groupe. Mais les renégats tombent déjà trop souvent dans la facilité, sur le slow quasi religieux "It Follows from Your Heart" ou sur les deux morceaux un peu ringards "Stay With Me" et "Knoxville Girl" – quant à "Keep Prayin'", il n’est guère plus qu’une anecdote.
Mais Outlaws trouve tout son intérêt dans la présence du meilleur titre du combo. Conclusion magistrale, "Green Grass and High Tides" et ses dix minutes sont l’équivalent de "Free Bird", ou des plus tardifs "Highway Song" et "Fall of the Peacemakers" : un hymne sudiste dans toute sa splendeur si ce n'est peut-être, le meilleur exemple du genre. Le groupe s’y montre subtil, progressif dans la construction, plus électrique et plus virtuose que jamais, et laisse admirer l’étendue des talents réunis au sein de la "Florida Guitar Army" chargeant dans une accélération en forme de bouquet final jouissivement interminable. J’admets qu’il puisse y avoir matière à débattre, mais il me semble qu’aucun groupe sudiste des 70s n’ait atteint un tel niveau.
Un bon album en termes de composition qui atteint l’excellence sur la piste final, une tuerie en termes de virtuosité guitaristique, un classique au sein du répertoire sudiste : ce premier opus des Outlaws est tout cela, et c’est déjà beaucoup.
À écouter : "There Goes Another Love Song", "Green Grass and High Tides"