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Mastodon
Cold Dark Place
Produit par
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Tandis que Mastodon triomphe actuellement avec Empire Of Sands (plusieurs citations aux Grammy et même un prix pour la meilleure performance metal), on en oublierait presque que le carré d’Atlanta nous a également gratifiés l’an passé d’un EP susceptible d’attirer toute notre attention. Issu des sessions d’enregistrement des deux albums précédents, Cold Dark Place devait initialement servir de base à une production solo de Brent Hinds - l’homme qui sculpte des phallus géants en bois - mais a fini par prendre la forme d’un authentique disque séparé du Mastodonte. La personnalité de Hinds lui confère néanmoins une saveur particulière, plus mélancolique, plus roots également avec l’utilisation d’une pedal steel à treize cordes et d’un banjo, l’ensemble apportant de l’authenticité à ces quatre titres aussi homogènes que qualitatifs.
Déjà Empire of Sands voyait le metal progressif halluciné de Mastodon se parer de couleurs pop parfois déconcertantes mais souvent à propos, et son petit frère explore exactement la même veine. Il est un fait que la musique de Mastodon est un appel au voyage dans les hautes sphères de l’imaginaire, dans des univers sombres et fascinants, troublants et fantasmagoriques. Si l’Empereur des Sables conviait une imagerie aride et fuligineuse, cet EP nous propulse dans un Lieu Sombre et Froid, tel le nord d’au-delà du Mur dans la série TV Game Of Thrones qui a vu les quatre natifs de Géorgie se grimer en sauvageons puis en walking dead de la banquise. Les quatre titres qui nous sont ici offerts sont calmes, peu versés dans le metal, assez homogènes en terme de tonalité et de durée. Il s’y exhale un parfum de sombre mystère mais aussi de sereine tristesse, humeur que l’on ressent dans les voix plus posées et placides des différents chanteurs, quoique celle de Hinds soit la plus souvent employée. Le disque mélange tonalités acoustiques et électriques, arpèges ébouriffants sur les couplets et power chords débridées sur les refrains. Globalement moins brutal que ses prédécesseurs, Cold Dark Place est un disque accessible qui possède une âme singulière, preuve que l’éradication de toute violence musicale n’est pas synonyme de mièvrerie. La technique monstrueuse des quatre hommes ne s’y exprime que par intermittence, ce qui la met d’autant plus en relief : Bran Dailor, en particulier, retient beaucoup plus ses allants virtuoses à la batterie, clarifiant agréablement le propos musical.
On retiendra particulièrement ici le magnifique traitement vocal de “North Side Star” et son pont catchy porté par le côté pop de Dailor, la fluidité de la réverb’ de “Blue Wash” et son pont ultra technique, la rugosité affable de “Toes to Toe”, les slide rêveurs et la conclusion musclée de “Cold Dark Place”. Encore une superbe réalisation de Mastodon, décidément l’un des groupes les plus pertinents de la scène rock actuelle, en attendant très bientôt les nouveaux émoluments de Brent Hinds avec Legend Of The Seagullmen aux côtés de Danny Carey (Tool). Là aussi et connaissant le bonhomme, ça promet.
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