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Brant Bjork
Gods & Goddesses
Produit par
1- Dirty Bird / 2- The Future Rock (We Got It) / 3- Radio Mecca / 4- Little World / 5- Blowin' Up Shop / 6- Good Time Bonnie / 7- Porto / 8- Somewhere Some Woman

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A la tête d’une carrière solo ayant désormais passé le cap canonique de la décennie, Brant Bjork a depuis plusieurs années abonné les amateurs à une routine immuable, se fendant d’un nouvel album et d’une tournée tous les 12 mois avec une rigueur métronomique. Aussi à l’aise dans son pré-carré que dans ses Levi’s 501 délavés, l’ex batteur de Kyuss et de Fu Manchu a très tôt trouvé son style et n’en bouge quasiment plus d’albums en albums. Sans y avoir encore posé la moindre oreille, on sait à l’avance que sa prochaine réalisation mêlera avec une aisance placide tricotages hendrixiens débarrassés de toute flamboyance virtuose, groove serein et stoner épuré. Le seul élément de surprise reste les pochettes, dont celle de ce neuvième opus, où Mister Cool pose en pimp dans son carrosse d’acier, exhibant son trophée mammaire. A l’intérieur, rien n’a changé, comme de bien entendu. Bien qu’évoluant sans le mythique line-up des bros depuis deux disques, Bjork y déroule le programme ordinaire avec ses nouvelles recrues, parmi lesquelles on distinguera l’ex Yawning Man Billy Cordell à la basse, relayant le vétéran Dylan Roche, victime d’une tumeur cérébrale.
Plus ramassé que son prédécesseur qui s’épanchait volontiers en jams enfumées de 10 minutes, Gods & Goddesses est un agréable exercice de socal rock, concis (8 titres pour une petite demi-heure), frais et décomplexé. Débutant sous les auspices d’un Cream gouverné par une basse rondouillarde ("Dirty Birds"), le disque baguenaude tranquillement entre heavy blues doré à la fuzz ("Blowin’ Up Shop") ou fourré à la wah-wah ("Radio Mecca") et lourdes échauffourées sur lesquelles la batterie lâche enfin la bride, fouettée par des soli aussi poussiéreux qu’alertes et la voix de Bjork prêchant dans l’écho ("Little World", "Good Time Bonnie"). L’attitude est foncièrement old school, le tempo cool, le propos sans fioritures, et on aime l’animal pour ça. On lui pardonne ainsi volontiers sa relative paresse stylistique, sa manie de se reposer un peu trop sur ses lauriers en refusant d’aller s’aventurer vers d’autres territoires. Gods & Goddesses exhale ainsi ce petit parfum enveloppant et un peu amorphe de routine. L’amour du rock et de son prochain ("Somewhere Some Woman") y transpire de partout, tout comme le charisme du bonhomme qui emporte finalement l’auditeur en bout de piste. On regrettera qu’il ne soit pas ici sublimé par des compositions un peu plus marquantes, comme cela a pu être le cas dans ses réalisations majeures (Keep Your Cool, Somera Sol). Pas de révolution à l’horizon, d’ailleurs le futur du rock, Bjork le tient déjà, il l’annonce dès la plage 2, le long d’un morceau qui évoque furieusement son ancien groupe Ché, né et disparu il y a 10 ans maintenant. Pas de montagne à gravir, pas de paysage à conquérir, toujours ce désert à perte de vue qu’il arpente encore et encore. Chaque trajet ressemble au précédent, mais il se redécouvre à chaque fois avec la même innocence. On reste toujours partant pour squatter la banquette arrière.