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Blues Pills
Holy Moly
Produit par

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On avait peur. D’abord, à cause du départ du guitariste français (un musicien brillant) Dorian Sorriaux pour des aventures solitaires, de quoi faire potentiellement chavirer le groupe. Il est alors remplacé par le bassiste Zach Anderson, lui-même remplacé à la quatre-cordes par un nouveau venu, Kristoffer Schander. Ensuite, il y a eu le premier single sorti pendant le confinement afin de promouvoir un nouvel album, Holy Moly - dont la parution a été décalée de deux mois pour des raisons de visibilité hautement compréhensibles. Non pas que "Proud Woman" soit un titre bâclé ou loupé, il fait même écho à des considérations sociétales tout à fait opportunes au regard du contexte politique actuel, mais il était un peu trop aguicheur et simpliste pour un groupe qui nous avait habitué à du rock aussi rétro qu’énergique, sans concession ni compromis.
Heureusement, deux autres titres plus tard et l’album dans les oreilles, nous voilà rassurés sur l’état d’un des fleurons de la vague revival, qui s’était imposé sur tous les festivals d’Europe et dans toutes les salles du continent ces dernières années. Cela fait bientôt dix ans que nous avons le plaisir de suivre les Suédois menés par la charismatique et excellente chanteuse Elin Larsson – dont tout le potentiel vocal est encore une fois exploité ici.
Pour le format, il s’agit d’un ensemble de titres courts, pour un album qui atteint les 40 minutes, comme un 33 tours des 1970’s. Décennie (avec la fin des 1960’s) qui s’impose comme référence du groupe depuis leurs débuts. A nouveau, la pochette, comme les deux précédentes, renvoie vers les derniers temps du psychédélisme historique.
Pour cet opus, deux directions semblent prises par Blues Pills. D’une part, une série de titres qui s’inscrivent dans l’esthétique du groupe, tel que "Low Road", qui a des airs de déjà entendu sur les précédents volumes. Il prouve néanmoins que le groupe en a encore sous le coude dans un style 1970’s très heavy et vif ; et, avouons-le, c’est un peu ainsi qu’on les attend, donc on serait de mauvaise foi en crachant dans la soupe. Dans cette catégorie de titres musclés, ils innovent un peu plus sur "Dreaming my Life Away", qui déploie beaucoup d’énergie ou sur l’acide "Rhythm and Blood". Ils confirment le talent du combo et donnent envie de les revoir en concert, quand les conditions le permettront, puisque c’est vraiment sur scène qu’ils brillent. D’autres morceaux seront d’ailleurs des choix judicieux pour les futures setlists dont "Kiss my Past Goodbye" (qui a des airs de Rival Sons sur le refrain). C'est, selon moi, les morceaux les plus solides de l'album.
L’autre ensemble se compose de slows, de titres qui mêlent rock et soul, avec des clins d’œil à la musique afro-américaine – qui étaient déjà perceptibles sur Lady n Gold. "California", avec son rythme chaloupé et son chant incarné, puissant et parfois rauque, illustre les capacités d’Elin Larsson à son poste. C’est une histoire de goût, mais le risque est de perdre en dynamisme comme sur "Wish I’d Know" ou plus encore sur "Longest Lasting Friend". Un écueil que la montée en puissance de "Bye Bye Birdie" évite, comme quoi, tout est histoire de contraste. Dans tous les cas, c’est une dimension de l’album importante qui montre de nouveaux horizons dans les choix esthétiques, auxquels nous souscrivons plus difficilement.
Holy Moly est donc un bon disque, mais, et l’avenir du groupe nous le dira, il semble être un album de transition. De nombreux éléments contingents viennent l'expliquer (notamment le changement brutal de line up), mais il y a aussi des indications stylistiques qui peuvent nous faire émettre cette hypothèse : l'album est entre une exploitation de l’esthétique classique du groupe et un renouvellement qui ne trouve pas réellement de ligne directrice. A savoir ce que nous réserve Blues Pills pour la suite … En attendant, il reste à écouter cette belle production et à espérer une tournée qui passerait par la France, quand le contexte le permettra.
A écouter : "Low Road", "Dreaming my Life Away", "Rhythm and Blood"