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Black Mountain
Year Zero
Produit par
1- Phosphorescent Waves / 2- Bright Lights / 3- Mary Lou / 4- Embrace Euphoria / 5- Tyrants / 6- Modern Music / 7- In Sequence / 8- Wilderness Heart / 9- Breathe

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Pas facile de concilier studio et live, vous avez sûrement dû le constater. Dès lors, et malgré la réussite tonitruante de In The Future sur galette, on ne pouvait que comprendre le désir de Black Mountain de se tourner vers des morceaux plus directs et plus efficaces, taillés pour remuer les fosses. Ce choix a surpris bon nombre d'auditeurs (dont votre serviteur), et si effectivement les "Old Fangs" et autres "The Hair Song" réalisent leur petit effet en concert, on ne pouvait nier à Wilderness Heart un cruel manque de consistance qui apparaissait on ne peut plus inquiétant pour un groupe propulsé peut-être un peu vite au statut de culte. Year Zero, BO d'un film de surf réalisée par la fine équipe de Stephen McBean, tente donc de repartir sur des bases moins effrayantes pour la fan-base du groupe tout en s'essayant à un exercice de style prisé notamment par un groupe comme Pink Floyd. Ne sursautez pas trop vite à l'évocation des chantres du progressif anglais, vous allez tout comprendre dans la suite.
En effet, le premier mot qui vient à l'esprit à l'écoute de Year Zero, c'est More, soit la première BO réalisée par le Floyd, un album polymorphe qui juxtapose sans coup férir les longues nappes planantes et les rush de hard rock. Year Zero, c'est un peu ça : on tabasse l'auditeur à grand coup de guitares testostéronées et on le fait planer à grand renfort de synthés 70's et d'Amber Webber. Les deux grands perdants de Wilderness Heart sont ainsi mis à l'honneur d'entrée de jeu sur le trippant "Phosphorescent Waves", comme une profession de foi à peine masquée : non, Black Mountain n'a pas trahi son esprit. Ce premier morceau se cale pile dans la tradition du proto-Floyd pas trop expérimental, Jeremy Schmidt ensorcelle comme jamais dans ses allants Wrightiens, et Amber peut donner libre cours à son organe vocal fabuleux. Même son de cloche pour "Embrace Euphoria", faisant plus office de pièce de transition déclamée, ou encore "In Sequence" qui transcende le psychédélisme sur sa rythmique électronique et la voix désincarnée de McBean. Pour le versant folk aérien, on retrouve "Breathe" et sa jolie mélodie nuageuse et éthérée sur fond de guitares cinglantes. On n'omettra pas la pièce la plus intéressante du lot, "Mary Lou", grand trip assez typique de la montagne noire entre chant possédé, guitares grondantes en toile de fond et superposition d'effets synthétiques psychotropes. La mission est accomplie, car Black Mountain livre ici des compositions atypiques beaucoup plus profondes que ce que l'on pouvait retrouver sur leur précédent opus. Parfait, parfait. Mais encore ?
Eh bien n'oublions pas non plus que Year Zero, s'il comprend cinq titres inédits, recycle également quatre vieux morceaux du groupe, et c'est là que l'on peut se retrouver un peu ennuyé aux entournures. Pas que les sublimes pièces d'In Your Future (le colossal "Bright Lights" amputé de quelques menues minutes et le troublant "Tyrants"), le morceau éponyme de Wilderness Heart (le meilleur du lot à l'époque) ou le plus ancien et gentiment barré "Modern Music" soient mauvais, oh non. Mais voilà, le liant, la juxtaposition se font mal. Impossible de retrouver l'unité d'une BO dans cette collection de belles pièces, et il aurait dès lors mieux valu que Black Mountain pousse le concept jusqu'à son point d'aboutissement : composer intégralement une bande originale, l'une de celles qui peut nous faire décoller à la manière d'un More ou d'un Obscured By Clouds. Reste encore la possibilité de ne garder que les cinq inédits et d'en faire une playlist raccourcie à la manière d'un EP : un petit coup de mp3, et le tour est joué (d'ailleurs, "Wilderness Hearts" se coule finalement assez bien avec les autres dans cette configuration). C'est à cette condition que Year Zero garde son intérêt et que Black Mountain continue à nous faire fantasmer. En tout cas, une chose est certaine : on guettera encore avec avidité leur quatrième véritable album studio. Bonne nouvelle.