Le 10ème album solo du kid de Bristol sonne comme la renaissance de celui qu’on associe forcément à
Massive Attack. C’est pourtant seul qu’il a le plus souvent produit, avec dix albums au succès inégal. Son premier album,
Maxinquaye, avait été notamment salué par les critiques du monde entier, sous les effets de la transe encore fraiche du premier album de
Portishead et du second de ses ex-compagnons de la Wild Bunch. Son dernier album avant
False Idols,
Mixed Race, n’avait, en revanche, pas subi le même destin, puisqu’il est sorti à la va-vite, comme pour sceller la fin d’un contrat avec son ancienne maison de disque, Domino. Un moyen pour
Tricky, sans doute, de mieux se consacrer à
False Idols, produit sur un nouveau label : le sien, qui porte le même nom que ce nouvel album. De quoi pousser la réflexion, et ainsi promettre une composition plus personnelle, loin des contraintes mercantiles, et une production au rendu exquis, sobre et sombre.
Car comme à son habitude,
Tricky nous bouscule par des sonorités brutes, des basses lourdes au résultat minimaliste. Puisant dans les racines nonchalantes du trip-hop, à l’image du titre introductif "Somebody’s Sins" (cover de Van Morrison), mais aussi plus globalement dans toute la musique moderne (rock, hip-hop, blues, …),
Tricky égrène les combinaisons possibles d’un style dont il est l’un des principaux piliers, entre moments de transe et mélodies accrocheuses. Le titre le plus significatif est sans doute "Parenthesis", dont la guitare rock répétitive se fait l’écho d’un rythme qui tape dur pour un morceau très efficace et très agréable à écouter. Plus globalement,
False Idols sonne comme un retour aux sources, fait de flows soyeux, et de rythmes lents, à la manière de
Maxinquaye, de 18 ans son ainé. Bristol et son atmosphère créative n’est vraiment pas loin. À la voix, un certain nombre de chanteuses (et un chanteur à la voix aigüe), dont Nneka, font contraster leur timbre avec celui d’outre-tombe de
Tricky. De quoi multiplier un peu davantage le champ des possibles, pour mieux dénoncer ce starsystem qu’il a toujours fuit.
"
Aujourd’hui, tout le monde est une pop star grâce à Facebook" et ça ne plait pas au kid qui aime philosopher sur le sens de la vie et les vrais besoins d’un monde en décrépitude. Lui, à qui la vie n’a pas forcément sourit par le passé, semble quelque peu aigri de voir les nouvelles générations s’accrocher à du vent capable de déplacer des monceaux d’argent. Alors forcément, ça se ressent dans cet album. Mais si
Tricky affirme lui-même qu’il a fait cet album sans se soucier des qu’en-dira-t-on ni des critiques, il semble pourtant que
False Idols fasse partie de ses albums les plus accessibles et les plus constants qu’il n’y parait. Avec un disque chargé de sens et de musicalité,
Tricky devrait donc bientôt retrouver le sourire.