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Juliette Lewis
Terra Incognita
Produit par
1- Intro / 2- Noche Sin Fin / 3- Terra Incognita / 4- Hard Lovin' Woman / 5- Fantasy Bar / 6- Romeo / 7- Ghosts / 8- All Is For God / 9- Female Persecution / 10- Uh Huh / 11- junkyard Heart / 12- Suicide Dive Bombers / 13- Piste 13 / 14- Piste 14
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
Ah Juliette Lewis... En voilà une reconversion des plus réussie. Si tout le monde pouvait légitimement se poser la question de l'intérêt d'une telle expérience lorsque la belle décida de tourner le dos aux plateaux de tournage en 2003 pour se lancer dans l'aventure musicale avec ses Licks, il faut bien reconnaître qu'elle n'aura eu besoin que de deux albums pour mettre tout le monde d'accord. Ce n'est pas compliqué, elle transpire le rock par tous les pores de sa peau. Il suffit de l'avoir vu quelques minutes sur scène pour se rendre compte que la Juliette Lewis chanteuse arriverait presque à éclipser la Juliette Lewis actrice. C'est pour dire. Mais pour sa nouvelle fournée, la miss a préféré se la jouer solo et s'attribuer les services d'Omar Rodriguez-Lopez, le frisé de The Mars Volta, aussi bien à la production qu'à la composition, en passant par l'enregistrement des pistes de basse et de guitare. La rencontre improbable entre un orfèvre du rock psychédélique et une pile électrique boostée aux décibels.
Passée une introduction sans grand intérêt, le si bien nommé Terra Incognita s'ouvre sur une rythmique saccadée en mid-tempo poussiéreux. Et d'emblée on comprend mieux pourquoi Juliette Lewis a préféré laisser ses acolytes sur le bord de la route pour cette fois. Le temps des morceaux sans concession joués toutes cordes dehors n'est plus, ici tout est question de ressenti et de compromis. Pour la voix profonde et rocailleuse de la chanteuse, Rodriguez s'est chargé de façonner des ambiances sur le fils du rasoir en forme de grand écart, des lentes montées en puissance venimeuses ("Noche Sin Fin") jusqu'aux morceaux de pop sucrés ("Uh Huh", "Suicide Dive Bombers"), sans pour autant laisser tomber le penchant de l'artiste pour le côté rock hargneux et rageur ("Terra Incognita", "Fantasy Bar"). Mais la collaboration des deux compères ne prend un réel sens que lorsque le maître de cérémonie se décide à aventurer son hôte sur des sentiers inhabituels. En la laissant seule aux prises avec une guitare vintage mélancolique pour un blues traditionnel d'anthologie, offrant le décor idéal, et finalement évident, pour cette voix chaude comme le soleil du Texas ("Hard Lovin' Woman"). En dressant les bases d'un morceau de soul halluciné ("Romeo") ou en préférant faire passer Beth Ditto et ses Gossip pour une bande de racoleuses dénuées de charme ("All Is For God").
La contrepartie d'une telle débauche de styles est qu'il devient alors difficile de rester attentif et emballé d'un bout à l'autre, et que lorsque l'expérimentation est poussée à son paroxysme ("Female Persecution"), l'auditeur risque de décrocher rapidement. Restent ces deux pistes bonus en fin d'album, sans nom et même pas cachées, juste posées négligemment là. Comme une déclaration à ceux qui avaient vu en Juliette Lewis la nouvelle Joan Jett. Non, ses premiers amours n'ont pas changé. Mais la belle en a beaucoup plus dans les cordes vocales que ce qu'elle nous avait montré jusqu'à présent. Au moins maintenant, tout le monde le sait.