
Carl Barât
Carl Barât
Produit par
1- The Magus / 2- Je Regrette, Je Regrette / 3- She's Something / 4- Carve My Name / 5- Run With the boys / 6- The Fall / 7- So Long, My Lover / 8- What Have I Done / 9- Shadows Fall / 10- Ode To A Girl


Franchement, si les groupes de rock anglo-américains utilisaient le Français pour écrire leurs textes, on aurait quelques occasions de rigoler assez sévèrement. Imaginons un instant les Kings of Leon miauler : "Ouaaaais ooooh, ton sexe est en feuuuu". Cependant, si Carl Barât chantait dans la langue de Voltaire, il deviendrait tout de suite un peu lourd. Comme un bon ami qui te parle tout le temps de sa copine, et qui, quand celle-ci rompt, se met à sangloter non-stop dès qu’il boit un panaché en soirée. Avec ses paroles de type "L’amour est le cimetière de la nostalgie et des soucis", il nous plomberait presque l'ambiance. Il faut avouer que Barât cisèle des paroles fort poétiques et souvent réussies. Mais l’accumulation de mélancolie a parfois une vague odeur de guimauve. C'est bien connu, trop de love tue le love, surtout quand celui-ci est rempli de spleen théâtral.
Plus généralement, cet air emprunté s'applique aussi à l'album. Carl Barât n'est pas excellent, et même plutôt décevant par rapport à ce à quoi les deux Libertines séparés nous avaient habitués. Il est même parfois calamiteux. Le trio "So Long My Lover", "What Have I Done" et "Shadows Fall" est épuisant. "Ode To A Girl" s’en sort un peu mieux, grâce aux arrangements qui la différencient des autres chansons mi-pleurnicheuses mi-exaltées. La première partie de l’album peut paraître sympathique, mais hélas, l’autre est vraiment déprimante à force de chansons lentes et tristes. Certes, une autre facette du Barât peut être découverte ici, avec des compositions plus posées, plus riches au niveau de la production. Mais hélas, c'est ce qui fait aussi leurs défauts.
Car Carl Barât manque d’originalité et de créativité. Il préfère rester sur ses acquis et réutiliser les mêmes bases que celles qui avaient mené The Libertines au succès, et qui avaient évité à Dirty Pretty Things de disparaître après le premier album (ce "Run With The Boys" mille fois entendu). Mais l’essence du groupe originel semble s’être grandement éventée dans ces compositions, dont certaines datent pourtant d'une période éloignée. Le cliché du beau sensible est poussé à son extrême : une inspiration cabaret mal dosée ("The Magus"), un détour par le Français légèrement caricatural ("Je regrette Je regrette") et un dégueulis de violons final ("Carve My Name") donnent un air maniéré aux morceaux. Ce manque de subtilité se retrouve aussi dans la pochette, où le beau ténébreux se tranforme en vague membre de boys band.
La symétrie parfaite des deux compères (groupes, biographies, albums solos) a désormais atteint ses limites avec ce disque. Ni mauvais, ni bon, et même hélas, plutôt oubliable sur le long terme, Carl Barât n’atteint pas les bonnes surprises que son interprète nous avait parfois offertes. Et l’album sonne un peu creux, comme si on avait absolument tenu à rétablir la balance, et à le sortir avant que les deux faux frères ne redeviennent siamois.