Contrairement à ce que l’on pense, le rédacteur (la rédactrice) rock n’est pas, même s’il (elle) aime entretenir cette légende, un être mystérieux et omniscient qui ne s’abreuve que de la musique du Diable. Derrière la collection officielle de disques qui occupe les étagères du salon, il y a un "Enfer", cette alcôve où sont cachées des œuvres épouvantables et "interdites". Ces musiques maudites doivent rester à l’abri du regard et de l’ouïe car elles pourraient dévaster la réputation de leur propriétaire auprès de ses pairs ou de ses lecteurs et lectrices. Les albums de l’Enfer ne sont écoutés que dans le plus grand secret (tentures fermées, éclairage tamisé et, évidemment, casque sur les oreilles).
Heavy Rotation dévoile les trois titres qui ont été réellement écoutés en boucle par les membres de la rédaction durant ces derniers jours. Alors, bienvenue au Paradis ou bienvenue en Enfer ?
Daniel
Patrick MacNee & Honor Blackman – "Kinky Boots". Le seul single connu du célèbre détective portant chapeau melon (en duo avec sa première partenaire qui deviendra ensuite une James Bond Girl féministe et redoutable). Ce titre est un merveilleux symbole de l’insouciance anglaise des sixties. Un adorable chef-d’œuvre absolu de l’art dérisoire. Au même titre que "The Avengers" a été la première série véritablement "pop" de l’histoire de l’image animée.
Twiggy – "When I Think Of You". La voix et le propos sont plus maigrelets encore que la silhouette de la plus célèbre brindille au monde. Mais Mademoiselle Hornsby (devenue récemment Dame Hornsby par la grâce de la Couronne d’Angleterre) a su être le symbole magnifique d’une mode qui incarnait un nouvel art de vivre. Un peu plus tard, il y a eu la première crise pétrolière. Et les jupes se sont allongées.
The Who – "I’m A Boy". Tandis que Londres se parait des atours d’une mode bigarrée, Pete Townshend cherchait l’identité sexuelle d’un jeune garçon que sa mère avait affublé d’un prénom de fille. Un caprice sémantique a longtemps empêché les petits rockers francophones de comprendre le titre : Jean-Marie est un patronyme féminin en Angleterre mais masculin chez nous.
Maxime L
The Cure - "Siamese Twins". Robert Smith a 65 ans aujourd’hui. L’occasion parfaite pour réécouter "Siamese twins", formidable morceau de Pornography, poisseux, lugubre et tellement lent qu’on jurerait le rythme ralenti artificiellement.
Fontaines DC - "Starbuster". Nouveau single qu’on n’avait pas franchement vu arriver. Et la confiance dans le groupe Irlandais est telle qu’avant même la première écoute, on savait que ce serait une réussite. Vivement le 23 août. Notamment pour constater que la qualité des morceaux est inversement proportionnelle à celle de l’artwork.
Fu Manchu - "Boogie Van". Parce qu’il existe une règle immuable en matière de musique : une playlist avec du Fu Manchu est toujours meilleure qu’une playlist sans. Et ce "Boogie Van" version live transpire le stoner à la Fu Manchu : pas original pour un rond mais gorgé de riffs dégoulinants, de basse grasse et de cette énergie irrésistiblement communicative.
François
Ahab - "The Sea as a Desert". Une pièce magistralement mélancolique au sein d'un album qui revisite avec brio Vingt Mille Lieues sous les mers".
Tarot - "Glimpse of the Dawn". Le tube retro-rock de l'année ?
In Vain - "Season of Unrest". Petit écart vers le Metal extrême, où le contraste entre les différents registres du chant (tantôt grawl, tantôt clair) et la composition progressive parviendront à convaincre même les plus rétifs. Ca vient de sortir.
Franck
Moron Police – "Beware the Blue Skies" : un morceau solaire, enjoué et terriblement accrocheur, issu du troisième album d’un des groupes de prog les plus improbables de la scène norvégienne. Les Scandinaves sont d’ailleurs en train de finaliser l’enregistrement d’un nouvel opus et il nous tarde de découvrir dans quelles contrées colorées nous serons invités.
Pure Reason Revolution – "Les Malheurs" : Si la discographie de PRR dispose désormais de plusieurs albums de grandes classes, l’album Amor Vincit Omnia est celui qui revient le plus souvent sur ma platine. Il s’agit assurément de l’opus le plus inclassable dans la discographie des Anglais. Un album qui explore une voie nettement plus électronique et qui regorge de titres tous plus imparables les uns que les autres. A ce titre, il se pourrait bien que vous deveniez accro à l’énergie contagieuse d’un morceau comme "Les Malheurs" !
Biffy Clyro – "Weird Leisure" : Album du retour en grâce pour Biffy, Celebration Of Endings (2020) est également un album pop/rock d’une évidence désarmante. Si vous en doutez encore, un titre comme "Weird Leisure" devrait finir par vous convaincre.
Valentin
Bruce Springsteen - “Atlantic City”. Avec son allure fantomatique et ses images doucement sinistres, “Atlantic City” reste encore, quarante ans plus tard, une anomalie effarante, qui incarne à merveille la singularité de Nebraska, déjà dans la carrière de Springsteen, mais aussi dans l’histoire dans la grande musique folk américaine.
Nibyian Twist - “Lights Out (feat. Nile Rodgers). Une merveille inattendue de jazz-funk dansant et enjoué, accompagné par le jeu de guitare caractéristique de Nile Rodgers.
Talk Talk - “New Grass”. Pas une note de trop et pourtant une richesse infinie. Voilà un titre vers lequel je reviendrais probablement toute ma vie, tant il trouve sans cesse de nouvelles manières de réconforter. Au-delà de ce sentiment presque intime, “New Grass” clos les dix années de carrière du groupe anglais Talk Talk de la meilleure des manières, en concrétisant cette démarche unique qui les a mené d’une synth-pop parfois impersonnelle à un jazz-rock spirituel et libéré.
